Message (interview) du Grand-Duc et de la Grande-Duchesse aux citoyens du Luxembourg, à l´occasion des fêtes de Noël et du Nouvel An

1. Vanessa : Monseigneur, vous êtes le chef de l’Etat depuis quinze mois. Que ressentez-vous au bout de ces quinze mois ?

Le Grand-Duc :
En effet, il s’est passé beaucoup de choses depuis quinze mois, aussi bien ici au Palais qu’à l’extérieur. Nous avons rencontré un grand nombre de gens, surtout pendant les Joyeuses Entrées que nous avons effectuées dans huit cantons du pays.

2. Martin : Est-ce qu’il y a quelque chose qui vous a particulièrement frappé lors de vos visites à travers le pays ?

Le Grand-Duc :
Je dirais l’affection des gens. Les gens sont vraiment venus à notre rencontre et nous ont salués en toute simplicité. Il faut ajouter que les communes ont vécu une évolution remarquable. On peut s’en rendre compte quand on se promène à travers le pays, pour ainsi dire. Les communes sont en plein essor. Elles prennent de nombreuses initiatives, et cela est un signe très encourageant pour le dynamisme du pays. Les gens nous ont aussi abordés pour nous exposer leurs soucis et leurs joies.

3. Martin : Quels sont ces soucis ?

Le Grand-Duc :
Des problèmes au travail – et aussi de la joie au travail –, mais également des problèmes dans la famille, une personne malade à la maison, des problèmes avec les enfants, à l’école, ou bien des préoccupations ou des satisfactions très générales.

4. Vanessa : Qu’avez-vous dit aux citoyens qui se préoccupent de leur sécurité dans notre pays ?

Le Grand-Duc :
Je leur ai dit qu'en fait la fusion de la Police et de la Gendarmerie améliore largement la coopération. Cela est très visible dans les plus récentes statistiques. En matière de délinquance, nous constatons une amélioration constante des résultats des poursuites. Mais la violence continue d’exister sous toutes ses formes. Elle existe dans la famille, parmi les enfants, à l’école, dans la cour d’école, ou dans la rue. Je me pose des questions au sujet des causes de cette violence. Et je suis d’avis que, malheureusement, la télévision par ses films excessivement violents, les jeux et l’Internet contribuent à ce que nos enfants perdent la sensibilité vis-à-vis de la violence. Il est de notre devoir à nous tous, en tant que famille, en tant que gouvernement et en tant que Chambre des députés, d’agir et d’assumer notre responsabilité dans ce domaine.

5. Martin : Le 11 septembre, notre image du monde a été radicalement bouleversée. Que dites-vous aux gens qui ont peur des terroristes et qui redoutent la remise en cause de la paix et de la liberté ?

Le Grand-Duc :
Cela a été pour nous – comme pour tout le monde – un choc énorme. Je me rappelle encore exactement où je me trouvais lorsque cette catastrophe s’est produite. Heureusement la coalition mondiale a fait bloc contre le terrorisme, ce qui est d’une importance capitale. Le gouvernement luxembourgeois a pris ses propres mesures pour protéger divers sites dans notre pays, comme par exemple des ambassades, l’aéroport ou les dépôts militaires ...

6. Martin : Quelles sont pour vous les causes de cette nouvelle forme de terrorisme ?

Le Grand-Duc :
Il faut absolument condamner toute forme de terrorisme. On peut toutefois essayer de trouver telle ou telle cause pour expliquer ce phénomène. Il y a d’abord le déséquilibre entre les pays riches et les pays pauvres. Et les différences entre les cultures. Nous devons faire des efforts pour mieux comprendre les autres. Nous devons aussi accorder une grande importance à l’éducation des jeunes gens et des enfants dans ces régions, afin que le terrorisme ou l’extrémisme ne puissent avoir aucune emprise sur ces enfants. Le dialogue entre les cultures, c’est là l’élément décisif pour la paix. Dans ce contexte, la Grande-Duchesse s’engage pleinement depuis quelques années comme ambassadeur de Bonne Volonté de l’UNESCO pour lutter contre ces problèmes. Elle va maintenant répondre à vos questions sur ces sujets.

7. Vanessa : Comment voyez-vous votre mission au sein de l’UNESCO ?

La Grande-Duchesse :
L’Assemblée Générale des Nations Unies a déclaré la décennie 2001-2010 "Décennie internationale pour une culture de la paix". Par conséquent, je vois ma mission tout à fait dans la même ligne que celle de mon mari. Cela veut dire que je m’engage particulièrement pour les femmes, pour l’éducation et la formation des femmes et des enfants dans le tiers monde. Plus d’éducation signifie plus de savoir, plus de liberté, moins de pauvreté et moins de misère. Dans les pays que j’ai visités, ces problèmes sont la réalité. Après avoir présenté le film "Kandahar" à Luxembourg, l’actrice Niloufar Pazira et le réalisateur Mohsen Makhmalbaf m’ont demandé de lancer l’appel: "30 dollars pour 10 mois d’école pour un enfant afghan". Je suis tout à fait persuadée de l’importance de cet appel et de la générosité de nos concitoyens. Cette initiative débute maintenant, pendant la période de Noël. Des étudiants dans des lycées, des employés dans des entreprises et la Ville de Luxembourg organisent actuellement une quête. Il me tient à cœur de leur dire un grand merci pour leur engagement.

8. Martin : Parmi les soucis des gens que vous avez évoqués tout à l’heure, on s’aperçoit qu’il n’y a pas de préoccupations au sujet de l’évolution économique. Est-ce que cela signifie que tout va bien au Luxembourg et qu'il en sera de même à l'avenir ?

Le Grand-Duc :
Si l'on considère les 15 dernières années, avec une croissance de 5%, je crois qu’on peut dire que notre économie se porte vraiment bien. J’ai eu l’occasion de visiter un certain nombre d’entreprises au Luxembourg et je dois dire que j’ai été fier de voir tous les produits que nous fabriquons ici au Luxembourg.

9. Vanessa : Beaucoup de jeunes gens se préoccupent de l’état de notre environnement et se demandent s’il ne faudrait pas faire beaucoup plus d’efforts dans le domaine de l’écologie ?

Le Grand-Duc :
Oui, je crois qu’il faut garder un équilibre entre l’économie et l’écologie. Le Luxembourg est un pays merveilleux. Nous avons un patrimoine naturel magnifique que nous devons à tout prix conserver pour les futures générations. Le gouvernement veille scrupuleusement à ce que les nouveaux investissements qui sont effectués au Luxembourg s’inscrivent dans une politique de protection de l’environnement.

10. Martin : La semaine prochaine nous verrons l’introduction de l’euro dans 12 pays européens. Est-ce que l’influence de l’Union européenne ne va pas croissant d’année en année, et par conséquent est-ce que la marge de manœuvre du Luxembourg ne diminue-t-elle pas trop?

Le Grand-Duc :
Je ne suis pas de cet avis-là. Le Luxembourg a toujours été prêt à progresser avec l’Europe. Nous ne pourrions pas exister sans l’Europe. Nous avons besoin de l’échange avec nos pays voisins, pour nos exportations aussi bien que pour les importations. L’euro nous rendra la vie beaucoup plus facile. Nous disposons désormais d’une Banque Centrale. Cela veut dire que nous participons aux décisions au même niveau que tous les autres pays. Et nos ministres font tout pour défendre nos intérêts à Bruxelles quand il s'agit de la souveraineté.

11. Martin : Comment voyez-vous l’élargissement de l’Union européenne ?

Le Grand-Duc :
Je suis d’avis qu’il ne faut en aucun cas avoir peur de l’élargissement, car c’est une évolution très positive pour l’Europe. Si nous considérons les 50 dernières années, nous voyons que l’Europe a été fondée véritablement pour la paix, pour le maintien de la paix. L’adhésion des nouveaux Etats membres signifie que la paix sera assurée pour tout le continent. Bien sûr, il y a encore des régions, à l’Est, où il y a des problèmes. Je pense notamment à l’ex-Yougoslavie. Le jour où ces pays seront intégrés à l’Union, nous pourrons dire que l’Europe se porte bien. D’autre part, nous ne devons pas perdre de vue nos intérêts, qui sont évidemment importants. En effet, avec l’élargissement nous profiterons de nouveaux marchés pour nos produits et nos services.

12. Vanessa : Donc, Monseigneur, vous êtes optimiste pour l’avenir ?

Le Grand-Duc :
Oui, certainement. Tant que nous arrivons à mettre l’homme au centre de notre société.

J’ai eu l’occasion pendant cette année de visiter maintes institutions. J’ai procédé notamment à l’ouverture de la session de la Chambre des députés, j’ai rendu visite au Conseil de l’Etat, j’ai rencontré les représentants de diverses chambres professionnelles ; c’est là que j'ai pu me rendre compte de l’état des problèmes qui existent dans notre pays.

Un deuxième point est l’accueil de nos concitoyens étrangers. Nous devons faire de réels efforts pour intégrer les étrangers, car ils contribuent largement à l'évolution de notre pays, tant sur le plan culturel que sur le plan économique. Je suis d’avis que la multiplicité culturelle, qui caractérise le Luxembourg, est un enrichissement permanent pour notre pays.

(La Grande-Duchesse, nos enfants et mes parents, se joignent à moi pour vous souhaiter à vous tous un Joyeux Noël et pour vous exprimer nos meilleurs vœux de paix et de bonheur pour la nouvelle année.)

J’aimerais souhaiter avec la Grande-Duchesse, avec mes enfants et mes parents, à tous les non-Luxembourgeois qui vivent et qui travaillent ici au Luxembourg, un Joyeux Noël et une Heureuse et Bonne Année.

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